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20 mars 2023 1 20 /03 /mars /2023 11:23

 

Devant les herbes sauvages du jardin

qui t’appellent en vain tu restes pensif

dans l’ennui de ces hiers pareils aux demains.

Ta vie : un cimetière où bougent les ifs

de tes souvenirs, banni au double exil.

Tu te souviens de l’enfance à Hamadan,

des fontaines argentées, de leur babil,

des vents de neige surgis du mont Alvand.

 

Rappelle-toi ta jeunesse

dans le feu de Téhéran,

des combats, de l’allégresse,

des rires des étudiants.

Tu criais contre le Chah

et tu défendais le legs

politique et le combat

du vieux lutteur Mossadegh.

 

L’image revient de ton premier exil

dans ce Paris où tu cherchais la lumière.

D’un geste distrait tu remues sur le gril

le morceau d’agneau comme faisait ta mère.

Avec Sartre lui-même tu militais

pour défendre les prisonniers politiques.

Une tempête d’idées tourbillonnait :

Islam, liberté dansaient avec l’éthique.

 

À Nadjaf près de l’Euphrate

où ton père a son tombeau

tu murmurais des sourates,

affligé, courbant le dos.

Là tu connus Khomeiny

révolté contre le Chah.

Lui aussi était banni.

Sans crainte tu l’embrassas.

 

C’est toi qui le reçus lorsqu’il vint en France.

Près de lui tu fus son moissonneur d’idées,

celui qui écrit les discours et qui pense

la révolution pour qui va commander.

Rappelle-toi votre retour en Iran,

votre triomphe tandis que fuit le Chah,

tes réticences lorsque les étudiants

pour les otages exigent un rachat.

 

Tu es élu Président

et contre les religieux

avec vigueur tu défends

de la liberté le feu.

Lorsque l’Irak entre en guerre

appuyé par l’Occident

tu rejoins les militaires,

les défenseurs de l’Iran.

 

Mais Khomeiny que tu croyais ton ami

donne l’ordre de t’arrêter. Tu t’échappes

et tu rejoins Paris, à nouveau soumis

à l’exil loin des tiens, évitant la frappe

des tueurs contre lesquels les policiers

protègent ta demeure et tu restes là

dans un temps arrêté, comme un prisonnier,

tandis que ton peuple manifeste là-bas,

 

brandissant des foulards verts

à l’appel de Moussavi.

On t’oublie dans ton hiver.

L’exil enchaîne ta vie.

Là-bas les gens chantent, meurent.

Toi tu penses et tu écris,

prisonnier de ta demeure.

L’exil efface tes cris.

 

Devant les herbes sauvages du jardin

qui t’appellent en vain tu restes pensif

dans l’ennui de ces hiers pareils aux demains.

Ta vie : un cimetière où bougent les ifs.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 17 mars 2023

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24 avril 2024 3 24 /04 /avril /2024 18:15

 

Un oiseau très matinal

siffle dans le grand cyprès

une mélodie banale

tandis que l’homme maugrée.

 

Car l’oiseau l’a réveillé

lui qui s’est couché très tard.

Il est tout ensommeillé.

Il a le cœur tout bizarre.

 

Ah s’il pouvait être un chat

il lui tordrait bien le cou

pour dormir comme un pacha.

L’oiseau siffle comme un fou.

 

L’homme au lit se désespère

et s’enfouit sous les draps,

maudit l’oiseau et sa mère,

espérant qu’il crèvera.

 

Mais il faut bien qu’il se lève

en se disant que ce soir

il ira là où l’on rêve.

Il évitera de boire.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 24 avril 2024

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3 avril 2024 3 03 /04 /avril /2024 16:40

 

Une grande salle où la jeunesse danse

dans un petit village il y a longtemps.

Chacune se déhanche avec élégance.

Les robes sont des fleurs couleur de printemps.

 

Bien sûr il y a celui qui boit bien trop,

qui mange son verre avec la bouche en sang

et qui brandit la bouteille de Cointreau,

guettant les filles d’un œil concupiscent.

 

Alors on l’expulse et l’on revient danser

le hully gully, le jerk, le madison,

tous en ligne et en rythme sur le plancher,

attentifs à la musique qui résonne.

 

Ou nous dansons le twist en nous tortillant,

écoutant les voix de Johny et Sylvie,

face à face, filles et gars, souriants,

heureux d’offrir aux yeux nos corps pleins de vie.

 

Et quand la voix chaude de Françoise Hardy

murmure que tous les garçons et les filles

se donnent la main dans les rues à midi

sans peur du lendemain, les regards pétillent.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 3 avril 2024

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29 mars 2024 5 29 /03 /mars /2024 18:16

 

Cherchant les regards

il jette doudou et rire

dans un même éclat.

 

 

            *

 

L’enfant dribble vite,

sur la pelouse un éclair.

Le ballon s’épuise.

 

 

            *

 

À l’œil de sa sœur

l’enfant cueille un mot d’amour

pour l’offrir au père.

 

 

            *

 

Des quatre archers qui

sera le roi de l’oiseau ?

L’œil de l’enfant brille.

 

 

            *

 

Choc des chevaliers.

L’épée de bois de l’enfant

vibre dans sa main.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 15 et 29 mars 2024

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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 19:12

 

Les paroles s’envolent, dit-on.

Dans ma gorge la voix elle-même

s’est enfuie. Je n’émets plus un son,

moi qui veut déclamer des poèmes.

 

Il parait que le silence est d’or.

Alors je me résigne et je pense.

Et pour chanter je bouge mon corps.

Mes bras, mes jambes riment la danse.

 

Ou bien je siffle comme un merle gai,

m’enivrant de volutes sonores

comme un rossignol au mois de mai,

poète dont le chant n’est pas mort.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 27 mars 2024

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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 15:57

 

Cette vieille photo près de la cheminée :

Une petite fille et un petit garçon.

L’enfant joue du banjo et l’on entend le son

sourdre léger sous le papier parcheminé.

 

Leurs yeux brillent, joyeux, parce c’est le printemps.

Le soleil brille aussi sous le ciel d’autrefois.

Les enfants sont assis sur le vieux banc de bois.

Le vieillard les regarde en remontant le temps.

 

Ils ont de grosses joues comme des pommes mûres.

La fillette chantonne un couplet parfumé.

Auprès d’elle la rose a son cœur rallumé

et la photo reluit dans l’ombre du vieux mur.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 1er mars 2024

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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 15:56

 

Le train étire ses anneaux

dans la nuit à travers la plaine.

Il hoquète de longs sanglots,

haletant sous la lune pleine.

 

Ses fenêtres sont des lucioles

qui voudraient parler aux étoiles

mais la fumée de son pétrole

cache le haut ciel de son voile.

 

Ce train sait-il bien où il va ?

Vers quelle ville ou quel désert ?

Quelle agitation le troubla

pour qu’il s’enfuie en plein hiver ?

 

La vie est un train qui déraille

et qui parfois trouve sa voie.

Y a-t-il d’autres chemins qui vaillent

que l’on quitte ce long convoi ?

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 28 février 2024

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29 novembre 2023 3 29 /11 /novembre /2023 17:57

 

« Au clair de la lune mon ami Pierrot. »

Près de la nacelle chantent quatre filles.

L’enfant s’émerveille de leurs yeux qui brillent

car il vient d’éclore ce jeune héros.

 

« Il pleut, il pleut, bergère, rentre tes blancs moutons. »

Les quatre sœurs célèbrent le fils de la fermière,

la nouvelle accouchée, l’aînée qui, la première,

va nourrir un bébé du lait de ses tétons.

 

« A la claire fontaine, m’en allant promener »

Les voix des jeunes filles coulent comme la source,

aigües comme l’eau vive, comme la laine douces.

Elles charment bien vite l’âme du nouveau-né.

 

« Une chanson douce que me chantait ma maman. »

Il dort, petit Pierre, ravi par les voix joyeuses

de ces jouvencelles qui fredonnent leur berceuse.

En suçant son pouce il écoute en s’endormant.

 

Pierre Thiiollière, Castelnaudary, 9 novembre 2023

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26 octobre 2023 4 26 /10 /octobre /2023 11:24

(pour Claude Couteau)

 

Tout au bout de l’échelle, au mitan de la toile

qui se déploie sur tout le mur comme une voile

la dame au long pinceau bat comme l’aile d’or

d’un papillon au cœur d’une fleur qui s’endort.

 

Dans l’ombre du feuillage elle pose des touches

de miel, de sang, de bleu, de noir comme des mouches

parmi cette foison de plantes et d’oiseaux,

d’anges, de fleurs, de chiens, de chats et de ruisseaux.

 

Enivrée de couleurs voici que sa main reste

en suspens. Est-ce un ange qui retient son geste?

Pendant un court instant minuscule éternel

son âme s’insinue dans la frange du ciel.

 

Elle est dans le tableau. Elle est l’un des visages

aux paupières baissées fondus dans le feuillage.

Il n’y a plus d’échelle, elle n’a plus de corps.

Un ange dans le ciel voit son sourire éclore.

 

Et voici qu’on entend murmurer les ruisseaux

et pépier vivement les oiseaux tout là-haut.

Tout s’anime bientôt et l’âme de la dame

dans le cœur du tableau tremble comme une flamme.

 

Pierre Thiollière, Castenaudary, 28 septembre 2023

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26 octobre 2023 4 26 /10 /octobre /2023 11:20

Le policier cuisine, cuisine

le pauvre prévenu.

Il le grille comme une sardine

cet homme à moitié nu.

 

Mais dans son cœur cet homme jardine

sous un ciel de printemps.

Il rêve qu’il sarcle ou bien qu’il bine,

ignorant les agents.

 

Le policier ne sait pas quoi faire.

Il le ferait bouillir

ou prendrait son temps pour qu’il macère.

Comment le mettre à cuire ?

 

Mais l’homme rêve dans son jardin,

l’âme pleine de fleurs.

Il arrose le persil, le thym,

ou peut-être qu’il pleure.

 

Doit-on le battre pour l’attendrir

ou le hacher menu ?

Le policier veut le faire frire

ou le manger tout cru.

 

Mais cet homme ne parlera pas

ou parlera des choux

dont les pommes grossissent là-bas

près de sa haie de houx.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 25 octobre 2023

 
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