Hissez le millionnaire au sommet du chantier
sans casque, sans pitié !
Qu’il tombe et qu’il s’écrase et ne déjeune plus !
Que sa veuve ruinée soit jetée à la rue !
Et que le PDG avec ses actionnaires,
avec ses DRH, et tous ses mercenaires
cousent, le jour, la nuit, dans la chaleur indienne
les jeans et les foulards et soudain qu’il advienne
que l’usine s’écroule et les ensevelisse !
Et que l’on couche aussi le chef de la police
et son ministre au fond d’un bourbeux marécage
en plein hiver, sous les nuages,
qu’on arrache leurs couvertures
et qu’on les gaze !
Que sous l’aboi des chiens ils craignent la morsure
et qu’ils s’enfuient pieds nus dans la forêt
et que l’on rase
leur pauvre abri sous les sarcasmes des voisins !
Qu’ils tremblent sans arrêt
pour leurs femmes, leurs sœurs et même leurs cousins !
Que l’on conduise enfin le Président des riches
au bureau de l’emploi pour lui dire « Mon vieux,
il n’y a rien pour vous. Remplissez en angliche
ces papiers. Et surtout ne soyez pas envieux.
Vous trouverez peut-être un travail en Pologne
ou bien en Bulgarie pour compter les cigognes.
Et cet emploi aidé auquel vous aviez droit,
on vous l’a supprimé. Comptez avec vos doigts
les trois sous qui vous restent. Et allez donc mendier
au Restaurant du Cœur puisque vous l’admirez. »
La Ministre de la Santé,
qu’on l’oblige à se lever tôt
pour prendre l’autobus qui mène aux hôpitaux
et là, qu’on lui confie dix vieillards à porter,
à nettoyer, déshabiller.
Qu’on lui donne, de nuit, un étage à couvrir
ou même deux ou trois, qu’on l’oblige à courir
quand les agonisants ne veulent pas mourir.
Et la Garde des Sceaux, jetez-la en prison
et chassez son mari de sa belle maison.
Qu’elle dorme en tremblant sur la couche crasseuse
sous les crachats glaireux d’une pute furieuse
et d’une meurtrière à l’œil concupiscent
avide de son sang.
Parachutez le général sur la cité,
la ville qu’il bombarde
et que ça barde !
Que lui tirent dessus les snipers excités
et qu’il trépasse au seuil de l’hôpital détruit
ou bien qu’il agonise, hurlant comme une truie
ou bien qu’il perde au moins une jambe et un œil
et qu’il n’ait nul fauteuil
mais qu’on lui colle une jambe de bois
pour qu’il s’enfuie lorsque les chiens aboient.
Que l’on noie le facho devant Lampedusa
mais, s’il nage jusqu’en Afrique,
qu’on le parque en un camp, qu’on lui pique son fric !
Et, mot pour maux
qu’on lui renvoie tout le mépris dont il usa
et qu’on le vende comme esclave
afin qu’il lave
la crotte des chameaux !
Vous trouvez le discours violent ?
Je ne fais qu’appliquer la Bible
qui dit qu’il est juste et possible
de rendre tout le mal œil pour œil, dent pour dent.
Pierre Thiollière, Garrigues, 17 janvier 2018