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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 07:23

 

 

Le Dogon m’a dit

index doigt de vie

majeur doigt de mort

qu’on voit sur le corps

du défunt roulé

et bien ficelé

dans sa couverture

comme en une armure.

C’est avec ce doigt

le seul que l’on voit

que le mort nous dit

les mots de la vie.

 

Le chef Bambara

en levant son bras

montre sur le pouce

une bague rousse

ornée d’un éclair

qui parle de guerre.

Mais l’auriculaire

lit tous les mystères

et jette des sorts

de vie ou de mort.

Quand il frappe un coup

il dit oui à tout.

 

Et dans mon pays

le doigt parle aussi

et l’index parfois

veut faire la loi.

Le majeur levé

peut être grossier.

Le pouce souvent

dit qu’il est content.

Et devant le maire

à ton annulaire

cet anneau doré

voudrait t’adorer.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 5 mars 2018

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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 07:20

 

(sur un tableau de Laureline C.)

 

Éclosions, explosions

            de mille couleurs

Neurones extasiés

            nus papillons-fleurs

Trèfles à quatre feuilles

            portes du bonheur.

 

Paroles éclatées

            loin de l’arc-en-ciel

blotties dans la prison

            libre de ces ailes

Battements qui colorent

            les joues d’asphodèles.

 

Longs pétales rêveurs

            dialoguant au loin

avec les galaxies

            aux brillants essaims

que la profonde nuit

            fait naître en son sein.

 

C’est la chanson lointaine

            nocturne du temps

où la main qui dessine

            est fantôme absent

laissant rire les courbes

            à ses doigts dansants.

 

Comme un fard sur des lèvres

            les couleurs s’étalent

diffusant dans les âmes

            l’odeur du santal

Chaude résurrection

            d’un printemps pascal.

 

Rouge volcan du cœur

            un magma s’élève

d’amour, d’engendrement,

            de feuille et de sève

depuis l’enfant, le nid,

            la vie qui nous rêve.

 

Pierre Thiollière, Garrigues,  2 mars 2018

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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 07:17

 

Pour L.

 

Belle bleue sur canapé écoute sa musique

susurrement de casque

les longs pieds nus sur la table de verre

parmi les hiéroglyphes des journaux

leur noir et leurs couleurs

Belle bleue écoute, les yeux errants

sur l’écran lumineux aux images muettes

Au-dessus d’elle l’air enfle son silence

dans le vaste poumon de la maison

Au-dessus d’elle deux gros yeux blancs

encore éteints dans l’après-midi où le bleu se grise

Les vitres imposent silence au vent qui agite les bras

mais on ne l’entend pas

Belle bleue ne l’entend pas

ses beaux yeux rêvent

au-delà des brillances muettes de l’écran

Le vieux canapé à l’humeur marine sait,

sait qu’il se souviendra.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 14 mars 2018

 

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4 mars 2018 7 04 /03 /mars /2018 19:07

 

 

Hissez le millionnaire au sommet du chantier

sans casque, sans pitié !

Qu’il tombe et qu’il s’écrase et ne déjeune plus !

Que sa veuve ruinée soit jetée à la rue !

 

Et que le PDG avec ses actionnaires,

avec ses DRH, et tous ses mercenaires

cousent, le jour, la nuit, dans la chaleur indienne

les jeans et les foulards et soudain qu’il advienne

que l’usine s’écroule et les ensevelisse !

 

Et que l’on couche aussi le chef de la police

et son ministre au fond d’un bourbeux marécage

en plein hiver, sous les nuages,

qu’on arrache leurs couvertures

et qu’on les gaze !

Que sous l’aboi des chiens ils craignent la morsure

et qu’ils s’enfuient pieds nus dans la forêt

et que l’on rase

leur pauvre abri sous les sarcasmes des voisins !

Qu’ils tremblent sans arrêt

pour leurs femmes, leurs sœurs et même leurs cousins !

 

Que l’on conduise enfin le Président des riches

au bureau de l’emploi pour lui dire « Mon vieux,

il n’y a rien pour vous. Remplissez en angliche

ces papiers. Et surtout ne soyez pas envieux.

Vous trouverez peut-être un travail en Pologne

ou bien en Bulgarie pour compter les cigognes.

Et cet emploi aidé auquel vous aviez droit,

on vous l’a supprimé. Comptez avec vos doigts

les trois sous qui vous restent. Et allez donc mendier

au Restaurant du Cœur puisque vous l’admirez. »

 

La Ministre de la Santé,

qu’on l’oblige à se lever tôt

pour prendre l’autobus qui mène aux hôpitaux

et là, qu’on lui confie dix vieillards à porter,

à nettoyer, déshabiller.

Qu’on lui donne, de nuit, un étage à couvrir

ou même deux ou trois, qu’on l’oblige à courir

quand les agonisants ne veulent pas mourir.

 

Et la Garde des Sceaux, jetez-la en prison

et chassez son mari de sa belle maison.

Qu’elle dorme en tremblant sur la couche crasseuse

sous les crachats glaireux d’une pute furieuse

et d’une meurtrière à l’œil concupiscent

avide de son sang.

 

Parachutez le général sur la cité,

la ville qu’il bombarde

et que ça barde !

Que lui tirent dessus les snipers excités

et qu’il trépasse au seuil de l’hôpital détruit

ou bien qu’il agonise, hurlant comme une truie

ou bien qu’il perde au moins une jambe et un œil

et qu’il n’ait nul fauteuil

mais qu’on lui colle une jambe de bois

pour qu’il s’enfuie lorsque les chiens aboient.

 

Que l’on noie le facho devant Lampedusa

mais, s’il nage jusqu’en Afrique,

qu’on le parque en un camp, qu’on lui pique son fric !

Et, mot pour maux

qu’on lui renvoie tout le mépris dont il usa

et qu’on le vende comme esclave

afin qu’il lave

la crotte des chameaux !

 

Vous trouvez le discours violent ?

Je ne fais qu’appliquer la Bible

qui dit qu’il est juste et possible

de rendre tout le mal œil pour œil, dent pour dent.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 17 janvier 2018

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1 février 2018 4 01 /02 /février /2018 10:51

 

 

Je me souviens de toi, brindille, ma compagne.

Je te connus si brune aux branches du grand chêne

lorsque dans la forêt nous chantions sous le vent.

La feuille était si verte et je n’étais pas blanc.

 

Chargé d’encre et d’années, je vous sens, fraternelles

brindilles et rameaux dans ce poêle de fonte.

Me voici déchiré, tout froissé, plein de honte.

Et j’oublie tous les mots, tous les rêves, les cris

que l’encre noire en ma blancheur avait inscrits.

 

Ô brisures de bois, rameaux, redites-moi

les nuitées de printemps où le grand duc chantait,

le murmure flûté du ru sur les galets !

 

Oui, j’étais bois vivant il y a bien longtemps

mais je sens l’assaut bleu de l’allumette hostile,

ô traitresse innocente et qui tue en mourant !

 

Bientôt nous ne serons plus que vaine fumée.

Le poème avec moi mourra dans les nuées.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary et Garrigues, 31 janvier – 1er février 2018

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1 février 2018 4 01 /02 /février /2018 10:47

 

 

Mes yeux étaient absents,

ma main, t’en souviens-tu ?

C’était avant

que le soleil nous soit rendu.

 

Sous le grand ciel d’été où chantaient les étoiles

l’ombre amie de la nuit avait jeté son voile

sur nos corps dispersés comme ceux des oiseaux

lorsqu’après un long vol ils dorment près de l’eau.

Nos amis reposaient ou rêvaient dans le noir.

Ma main, t’en souviens-tu ? Je ne pouvais la voir.

Nos âmes dans la nuit échangeaient des paroles :

Que faire de nos vies, de nos jeunesses folles ?

 

Alors j’ai contourné ceux qui nous séparaient,

les corps de nos amis

qui s’étaient endormis,

et j’ai rejoint la voix dont le miel me berçait.

Elle ouvrit dans le noir son grand sac de couchage

et m’y enveloppa comme un tiède nuage.

Ma main, t’en souviens-tu ? tu t’es mise à parler

à sa peau qui, le jour, me tenait éloigné.

Ma main, comme un regard

qui dans la nuit s’égare,

tu disais doucement les caresses d’amour

que mes yeux lentement avaient mûri le jour.

Ma main, rappelle-toi la nuit d’Alentejo

où tu sentis fleurir la douceur de sa joue.

Tout son corps appelait tes muettes paroles.

Ma main, lorsque tu t’en souviens, mon cœur s’affole.

 

Mes yeux étaient absents,

ma main, t’en souviens-tu ?

C’était avant

que le soleil nous soit rendu.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 10 janvier 2018

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12 décembre 2017 2 12 /12 /décembre /2017 10:31

     Sous les regards d'Orion, sous le cri rougeoyant de Bételgeuse et la mélopée bleutée de Rigel, courent les pierres-vivantes de Pluton, adoratrices d'étoiles. Le roman de Pierre Thiollière, Koz Témoc, la Pierre Blessée, qui vient de paraître en décembre 2017, fait vivre les aventures, les combats et les amours de ces êtres étranges, qui se nourrissent de matière minérale et conversent dans le chatoiement de leurs rayons lumineux. Pierre, voyageur de l’espace-temps, a matérialisé son corps-image dans ce monde étrange. Il devient l’ami de Koz Témoc, la Pierre Blessée, héros d’une longue quête qui l’amène à quitter le royaume d’Oyo pour découvrir des mondes a priori hostiles où vivent d’autres pierres-vivantes. Koz va apprendre à les connaître, à se mêler à leurs amours et à leurs guerres. Retrouvera-t-il la trace de Sproc, le vieux savant enlevé par de mystérieux étrangers ? Sauvera-t-il le royaume d’Oyo du grand danger qui le menace ?

     De page en page vous tremblerez ou vous vibrerez avec Koz Témoc et ses compagnons-compagnes, confrontés, lors d’incroyables aventures, avec les boules noires, les balles ravageuses des monts Katoghan, les vagues aux couleurs  délirantes du lac Ténémate, la dangereuse pierre-molle du désert Oufkir, les volées de flocs de Smonèpe, le terrible Nuage-Glakss, les poètes-nomades, les Grands-Initiés et autres Contemplateurs d’Étoiles, les Messagers de Véga… Vous découvrirez les croyances et les mœurs surprenantes de ces êtres minéraux.

Le héros survivra-t-il aux épreuves ? Reverra-t-il Poldihyé, la Ségalène au sourire d’émeraude ?

Koz Témoc, la Pierre Blessée, éditions du Chat-Lézard, ISBN 978-2-9516878-9-9, 20€.

Commandes à Pierre Thiollière, Garrigues, 11170 Cenne Monestiés, avec un chèque de 20€ à l'ordre de Pierre Thiollière

 

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30 novembre 2017 4 30 /11 /novembre /2017 17:09

432 pieds pour un mille-pattes

 

Le scolopendre a mal aux pieds

d’avoir bien trop longtemps marché.

 

Lorsqu’il est sorti de sa mère,

c’était déjà les pieds devant.

Quel froid, mon Dieu ! le cœur lui serre

d’être né un jour de grand vent.

 

Quand on a seulement deux yeux

comment compter ses ripatons ?

Il vaudrait mieux rester au pieu

les pieds cachés sous l’édredon.

 

Il les récure dans l’évier ;

les uns sont laids, les uns sont beaux.

Su ce petit millier de pieds

il y a, c’est sûr, un pied bot.

 

Ce n’est qu’un pauvre va-nu-pieds

tout crotté dans la boue d’automne,

sans argent pour tant de souliers,

trottinant dans la rue piétonne.

 

Il voudrait passer à pieds secs

malgré la flaque où le ciel brille

en emmêlant ses pas avec

la résille aux jambes des filles.

 

Quelle misère quand on a

l’estomac dans tous ses talons

et que la marche vous donna

aux pieds des cors et des oignons !

 

Le scolopendre a mal aux pieds

d’avoir bien trop longtemps marché.

 

Il a fait des pieds et des mains

pour trouver chaussure à son pied.

Mais, croyez-moi, c’est pas demain

qu’on va voir danser le marié !

 

Il a beau se jeter aux pieds

de libellule ou coccinelle

elles n’ont crainte ni pitié

pour ce rampant dépourvu d’ailes.

 

 

Il a perdu son pied-à-terre

quand le patron l’a mis à pied.

Dans la froidure de l’hiver

comment va-t-il se débrouiller ?

 

Peut-être avec un pied-de-biche

pourrait-il forcer quelque coffre,

reprendre pied par vol ou triche

dans la vie que l’argent nous offre ?

 

Mais je crois qu’il va lâcher pied

et se cacher cent pieds sous terre ;

il a le cœur tout endeuillé ;

sa mort est sur le pied de guerre.

 

Il va bien falloir qu’on l’enterre

un jour de froid, un jour de vent.

En pensant très fort à sa mère

il partira les pieds devant.

 

Le scolopendre a mal aux pieds

d’avoir bien trop longtemps marché.

 

Pierre Thiollière, Garrigues,

29 octobre 2017

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30 novembre 2017 4 30 /11 /novembre /2017 17:08

(Aux filles menacées par le prédateur,

je dédie cet acrostiche.)

 

La revanche de Blanchette

 

Cornes en avant la chèvre se dresse

            face à la gueule rouge qui la presse.

Houppelande claire tachée de sang

            elle harponne le loup d’un chef puissant.

Elle défie les crocs du carnassier

            labourant le sol d’un sabot d’acier.

Vif éclair blanc qui danse sous la lune

            dont le cœur d’or tremble sur la lagune,

Résiste ! ô ma caprine au vif sabot

            qui refuse au loup noir ton corps si beau !

Embroche enfin cet Ysengrin trop lourd

            pour qu’il nourrisse les vautours !

 

Pierre Thiollière, 29-30 novembre 2017

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28 septembre 2017 4 28 /09 /septembre /2017 09:33

 

 

Quand ma tête s’inclinera,

où seront les mains de mon père

qui taillait pour nous des échasses 

dans la blessure des forêts?

Où seront les yeux du chien noir

que l’enfant prenait dans les bras ?

 

Quand ma tête s’inclinera,

où s’en ira le tablier

piqueté d’amour et d’épingles

de ma mère aux yeux de pervenche ?

Où s’en iront ses mains rapides

mêlant devant nos yeux gourmands

le vin, le sucre et les myrtilles ?

 

Ils iront, pâles revenants,

dans ces mots, pauvres chrysalides.

 

Quand ma tête s’inclinera,

où s’en ira le frisson roux

de tes seins durs sous ma caresse ?

Où s’en ira le feu dressé

de nos reins aux spasmes d’ivresse ?

 

Quand ma tête s’inclinera,

où s’en ira notre colère,

nos sororales insomnies ?

Où s’en iront les poings levés,

les chants, les rires fraternels,

les promesses d’humanité ?

 

Ils iront, pâles revenants,

dans ces mots, pauvres chrysalides.

 

 

Quand ma tête s’inclinera,

où sera l’odeur des sous-bois

et le grelot bleu du torrent ?

Où s’en ira la lune, errant

dans la nuit pleine de l’été ?

 

Quand ma tête s’inclinera,

où s’en iront tous mes émois,

où s’en ira le réséda

et le vol brun des noctuelles ?

 

Ils iront, pâles revenants,

dans ces mots, pauvres chrysalides,

pour offrir aux dieux survivants

un envol de papillons vides.  

 

 

(Pierre Thiollière, Garrigues,

4 septembre 2017)

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