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20 mai 2023 6 20 /05 /mai /2023 17:14

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Sa voix douce nous mène tout au long des rues

vers les plus beaux musées et les quartiers anciens,

la noble basilique et les temples païens,

pour goûter aux trésors de la ville inconnue.

 

Elle nous guide aussi par de petits chemins

vers les plages dorées et les eaux délicieuses.

où volent les flamants et les mouettes rieuses

pour reposer nos corps aux lits de sable fin.

 

Et puis, un jour de pluie, son étrange caprice

jette soudain sur nous un méchant maléfice

en nous menant sur un chemin creusé d’ornières

 

où notre auto rugit mais reste prise au piège.

L’appareil est éteint, muet comme les pierres,

tandis qu’à grand fracas la grêle nous assiège.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 12 mai 2023

 

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3 avril 2023 1 03 /04 /avril /2023 10:05

 

Dans le brouillard gris de l’aube

flotte l’esprit de Jina

comme des lambeaux de robe

pleurant son assassinat.

 

Le brouillard s’accroche aux branches

maigres de l’arbre de fer.

Jina dans sa brume blanche

étire son deuil amer.

 

Pour des cheveux qui dépassent

d’un voile noir mal porté

des Gardiens au cœur de glace

ont commis l’atrocité.

 

Et depuis quarante jours

l’esprit de Jina s’égare

dans le souvenir trop lourd

du corps dont il se sépare.

 

Que fera-t-il de ses rêves

de jeune femme au cœur vif

maintenant que son corps crève

au cimetière sous les ifs ?

 

                ***

 

Mais quand la ville s’enflamme

et que gronde le courroux

Jina diffuse son âme

dans le peuple au cœur de loup.

 

L’esprit de Jina éclate

dans les cris manifestants

et veut que son peuple abatte

le régime du tyran.

 

Il est percé par les balles

homicides des Gardiens.

Il étouffe avec les râles

des prisonniers dans leurs liens.

 

Il gémit sous les tortures

des femmes dans les prisons

mais dans la nuit il murmure

le courage et la raison.

 

                ***

 

 

Lorsque s’apaise la nuit

Jina, dans sa brume grise,

vers la montagne s’enfuit

pour se bercer dans la brise.

 

Elle épouse le grelot

de la rivière sauvage,

lave son chagrin dans l’eau

et cherche en vain son image.

 

Puis elle erre dans Saqqez,

la ville de sa naissance,

cherchant l’amoureux qui baise

le souvenir d’une danse.

 

Alors revient la chanson

que tous chantent : « Barayé ! »

pour que filles et garçons

n’aient plus peur de s’embrasser,

 

pour la pureté de l’air

et pour la fraternité,

pour que le pauvre soit fier,

pour « femme, vie, liberté ! »

 

Pierre Thiollière, Garrigues,

1er avril 2023

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20 mars 2023 1 20 /03 /mars /2023 11:23

 

Devant les herbes sauvages du jardin

qui t’appellent en vain tu restes pensif

dans l’ennui de ces hiers pareils aux demains.

Ta vie : un cimetière où bougent les ifs

de tes souvenirs, banni au double exil.

Tu te souviens de l’enfance à Hamadan,

des fontaines argentées, de leur babil,

des vents de neige surgis du mont Alvand.

 

Rappelle-toi ta jeunesse

dans le feu de Téhéran,

des combats, de l’allégresse,

des rires des étudiants.

Tu criais contre le Chah

et tu défendais le legs

politique et le combat

du vieux lutteur Mossadegh.

 

L’image revient de ton premier exil

dans ce Paris où tu cherchais la lumière.

D’un geste distrait tu remues sur le gril

le morceau d’agneau comme faisait ta mère.

Avec Sartre lui-même tu militais

pour défendre les prisonniers politiques.

Une tempête d’idées tourbillonnait :

Islam, liberté dansaient avec l’éthique.

 

À Nadjaf près de l’Euphrate

où ton père a son tombeau

tu murmurais des sourates,

affligé, courbant le dos.

Là tu connus Khomeiny

révolté contre le Chah.

Lui aussi était banni.

Sans crainte tu l’embrassas.

 

C’est toi qui le reçus lorsqu’il vint en France.

Près de lui tu fus son moissonneur d’idées,

celui qui écrit les discours et qui pense

la révolution pour qui va commander.

Rappelle-toi votre retour en Iran,

votre triomphe tandis que fuit le Chah,

tes réticences lorsque les étudiants

pour les otages exigent un rachat.

 

Tu es élu Président

et contre les religieux

avec vigueur tu défends

de la liberté le feu.

Lorsque l’Irak entre en guerre

appuyé par l’Occident

tu rejoins les militaires,

les défenseurs de l’Iran.

 

Mais Khomeiny que tu croyais ton ami

donne l’ordre de t’arrêter. Tu t’échappes

et tu rejoins Paris, à nouveau soumis

à l’exil loin des tiens, évitant la frappe

des tueurs contre lesquels les policiers

protègent ta demeure et tu restes là

dans un temps arrêté, comme un prisonnier,

tandis que ton peuple manifeste là-bas,

 

brandissant des foulards verts

à l’appel de Moussavi.

On t’oublie dans ton hiver.

L’exil enchaîne ta vie.

Là-bas les gens chantent, meurent.

Toi tu penses et tu écris,

prisonnier de ta demeure.

L’exil efface tes cris.

 

Devant les herbes sauvages du jardin

qui t’appellent en vain tu restes pensif

dans l’ennui de ces hiers pareils aux demains.

Ta vie : un cimetière où bougent les ifs.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 17 mars 2023

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7 mars 2023 2 07 /03 /mars /2023 19:33

 

Lorsque j’étais petit enfant

je voulais quitter les frontières

de cette vallée de tourbières

qu’une sombre forêt défend.

 

Au nord dormait une colline

que deux chiens de ferme gardaient.

À l’orient les sapins fermaient

l’horizon de leur rude épine.

 

Au midi le soleil riait

au-dessus d’un petit mont chauve

trop haut pourtant pour que se sauve

l’enfant sur ses faibles mollets.

 

Et vers l’ouest veillait le village

au-delà des prés et des bois.

Les grands, les chiens et leurs abois

sous l’or du soir faisaient barrage.

 

Et je rêvais que j’étais né

au-delà de cette frontière

là-bas où s’en vont les rivières,

enfant princier abandonné.

 

Peut-être qu’au-delà des bois

la terre était bien plus brillante,

merveilleuse et bien différente

et que mon père était un roi.

 

Quel envol dans ma tête blonde !

Je rêvais de vite grandir,

de m’en aller pour découvrir

la vérité cachée du monde.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 7 mars 2023

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 22:29

Franchir la ligne rouge où veillent les soldats

Ramper sous le réseau des câbles électriques

Onduler dans le bois comme font les serpents

Nouer l’écharpe au bras blessé du camarade

Traîner derrière soi cette femme qui boîte

Incendier le taillis pour faire diversion

Errer désespérés le long des barbelés

Réussir à passer dans l’encre de la nuit

Entrer au paradis ou peut-être en enfer.

 

Pierre Thiollière, Carcassonne, 6 mars 2023

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22 février 2023 3 22 /02 /février /2023 22:19

 

Elle rêve

d’une nuit sous la lune,

d’un soleil qui se lève,

d’un matin sur la dune.

 

Mais pourtant

se souvient-elle aussi

des chagrins, des soucis

et de ses peurs d’enfant ?

 

Elle rêve

d’une plage au soleil,

de l’odeur de la sève

des pins, des fruits vermeils.

 

Mais pourtant

se souvient-elle encore

des jours de mauvais temps

et des coups sur son corps ?

 

Elle rêve

d’un avenir meilleur,

de l’espoir d’une trêve

dans sa vie de malheur.

 

Elle rêve

d’un amour, d’un bonheur.

 

Pierre Thiollière, 22 février 2023

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22 février 2023 3 22 /02 /février /2023 22:15

 

Il est celui qui fait escalader la vie

à ceux qui, de savoir, ont un si grand besoin.

Du calice des cours, tantôt il boit la lie,

tantôt – trop rarement – il hume le parfum

d’un excellent devoir, d’une leçon bien sue.

Et un éclair de joie brille alors dans ses yeux.

Il se disait : « En vain, en vain je m’évertue… »

Il se rassure et voit qu’on répond à ses vœux.

 

Il est un boulanger, les bras dans le pétrin ;

il brasse les esprits avec sa connaissance,

dépose en chacun d’eux un peu de son levain,

les dresse et les détord, les sale de sa science.

Du four de l’instruction il les sort de sa pelle,

et il voit s’en aller au bout de chaque année

les pains qui sont ratés, ceux dont l’allure est belle,

enfant après enfant, fournée après fournée.

 

Pierre Thiollière, 1963

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13 février 2023 1 13 /02 /février /2023 18:49

 

Maussade Mossadegh

exilé au cœur de ton pays,

le tyran te relègue

en prison

dans ta propre maison.

Le sol dur pour tapis

tu es prostré, assis,

tout ton corps écrasé sous le poids du destin,

le visage émacié,

enveloppé

dans ta longue couverture brune

dans le froid du matin

ou la nuit sous la lune,

l’âme chargée de ton passé interrompu,

de ce que tu voulais et que tu n’as pas pu,

une révolution révolue.

Qui n’as-tu pas frappé quand il aurait fallu ?

Tu restes assis, ployant les reins,

comme un fantôme brun

sur l’herbe rase de la steppe.

Qu’as-tu donc fait de tant de jours, de tant de nuits,

des souvenirs comme des guêpes,

longue colère et long ennui ?

 

Dans la chaleur du jour

lisais-tu les poèmes d’amour

de la jeune Forough Farrokhzad

qui mourra la même année que toi ?

Humais-tu, ô Mossadegh maussade,

au Jardin de Saadi le parfum des Roses ?

Écoutais-tu la voix

d’Hafez et ses ghazals comme des fleurs écloses ?

Suivais-tu le vol rêveur des Oiseaux d’Attar ?

Rêvais-tu de vin et d’amour avec Omar

Khayyam ou simplement

méditais-tu avec Rûmi sur le Coran ?

Non, je crois que toujours tournaient dans la tempête

inapaisée de ta lourde tête

les violences de tes années de durs combats

pour l’honneur de ton pays et pour le service

de ton peuple qu’un tyran abat,

un peuple malmené cabré sous les sévices.

 

Tu voudrais t’élancer dans la forêt de chênes

tel un guépard traqué fuyant le grand soleil

mais les gardes du Chah te surveillent.

Le corps écrasé sous ta couverture brune

tu rumines ta haine.

Les troupeaux de chèvres transhument

dans la montagne où tu ne peux marcher.

Les fourmilières humaines grouillent

où tu ne peux aller,

dans Tabriz, dans Chiraz, dans Ispahan,

dans Téhéran

et dans Bandar Abbas que le pétrole souille,

cet or noir pour lequel tu as lutté jadis

pour que ton peuple puisse

s’enrichir de cet or.

Tandis que tu t’endors

dans tes rêves anéantis,

sur les collines les parroties

déploient leurs bourgeons rouges

et les feuillages verts ont la couleur qui bouge

pour chanter la mouvante saison.

Parmi les ormes et les charmes

t’appellent les pompons roses des albizias

mais tu restes comme enchaîné, sans une larme,

auprès de ta maison.

Tu as beau feindre

tu jalouses les papillons, les oiseaux-mouches

qui butinent les fleurs d’acacia

que tu ne peux atteindre.

 

Une rage désespérée crispe ta bouche.

L’hiver descend

trop brusquement

et le chat de Pallas à l’épaisse fourrure

s’enroule dans sa queue pour dormir.

Tu t’enroules dans ta couverture

et l’hiver descend dans ton cœur

fatigué de souffrir.

En rêvant des jours de chaleur

le manul a fermé sa troisième paupière

pour se protéger des grands froids

et des vents de poussière.

Tes yeux aussi se ferment sur ton désarroi

mais les vents gris de la défaite

dansent encore sous ton crâne leurs tempêtes.

 

Comme un aigle de l’Elbourz aux ailes brisées

tu restes prostré dans ta couverture brune,

triste le jour sous les risées,

maussade sous la lune.

 

Pierre Thiollière, Garrigues, 10 février 2023

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4 février 2023 6 04 /02 /février /2023 16:26

 

Rude bataille avec le Chah

            Mossadegh !

pour le contrôle du pétrole

que le britannique lâcha

            Mossadegh !

en protestant qu’on le lui vole.

 

Tu veux réformer le pays

            Mossadegh !

et faire la réforme agraire.

Face au Chah Reza Palhavi

            Mossadegh !

tu donnes aux paysans la terre.

 

Les anglais préparent leurs troupes

            Mossadegh !

Ils envoient leurs bateaux de guerre.

Ils bloquent les ports et ils coupent

            Mossadegh !

les routes qui vont sur la mer.

 

Le peuple a faim et manifeste

            Mossadegh !

et tu réprimes les grévistes.

Pour l’Occident tu es la peste.

            Mossadegh !

Le Chah te lâche et tu résistes.

 

On t’a condamné à la mort

            Mossadegh !

en mil neuf cent cinquante-trois.

Ce soir-là il neigeait encore

            Mossadegh !

sur Téhéran tremblant de froid.

 

Pierre Thiollière, Garrigues,, 4 février 2023

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4 février 2023 6 04 /02 /février /2023 16:25

 

Dans le vent de neige

s’étire la brume.

Le froid fait le siège

d’un ciel qui s’allume.

 

D’où vient ce halo

qui luit doucement

d’un éclat palot

dans le bois dormant ?

 

On dirait la face

d’une dame morte,

la reine des glaces

avec sa cohorte

 

de longs cheveux noirs,

des branches peut-être,

flottant dans le soir

dans le bois de hêtres.

 

Pierre Thiollière, Castelnaudary, 25 janvier 2023

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